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Genre : Reportage

Thématiques :  Économie, agriculture - pêche 

Région : Martinique

Titre : Trinité Urbain, un Rasta "moderne"

Publication papier : mai 2011

 

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Trinité Urbain, un Rasta "moderne"

 

C'est pour son entrain que les habitués se déplacent dans sa boutique. « Quand on n'a pas le moral, il nous fait rire et ça va mieux. C'est un peu comme une famille ici : on est toujours bien accueilli » , raconte Vanessa qui se rend régulièrement dans le commerce depuis son ouverture. Bien connu des clients, Trinité l'est aussi de la communauté Rasta. Pourtant, le rastafarisme, il l'a découvert un peu par hasard... intrigué par une certaine histoire de chevelure. « Quand j'ai vu des Noirs avec des longs cheveux, plus longs que ceux des Blancs, ça a déclenché quelque chose. » La musique a fini de faire jouer le déclic. « C'est un ami de colonie qui m'a fait écouter les Steel Pulse. Il y avait aussi un deux tours de Bob Marley à la maison ; je l'ai écouté en boucle. » Des textes qui lui ont donné envie de vivre comme ces artistes.

« J'ai choisi le nom de Trinité » 

 

Dès lors, le garçon s'intéresse à la religion rasta. À l'époque, il a treize ans. « Je voulais savoir pourquoi on est rasta. Je prenais la Bible de ma mère et je la lisais et relisais avec des potes de la banlieue » . La banlieue, c'est celle du quartier Jean Moulin, à Montreuil, dans le 93. Le garçon y a emménagé à neuf ans. « Je suis né à Saint-Pierre et j'ai été élevé à Fonds-Saint-Denis. Je suis un « ich déwò » comme dit. Avec maman, on est parti en Métropole après. »

Issue d'une famille entièrement catholique, sa mère n'accepte pas ce basculement vers le rastafarisme.

« Man té ka goumen épi'y pou locks la. Man mété-y, man tiré-y, man viré mété-y, man tiré-y ankò. »

À 14 ans, les locks ne poussent pas mais les autres préceptes grandissent. « J'ai arrêté la viande et je me suis mis aux pétards avec les potes. J'ai aussi choisi le surnom de Trinité quand j'ai appris que ça voulait dire celui qui est, était et sera. » Très chrétien, plus tard, il sera content d'apprendre que ce nom réuni le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Son adolescence, Trinité la passe en région parisienne, un peu contre son gré. « Pour moi, la Martinique, c'était le paradis pour les Rastas. Mer, soleil, fruits exotiques, Ganja : un vrai retour à la nature. J'avais de beaux souvenirs d'enfance et je n'avais qu'une envie : rentrer, mais je n'avais pas les moyens. »

Pas très assidu en cours, le jeune homme entame un CAP comptabilité mais ne l'obtient pas. Il effectue ensuite une formation pour être peintre en bâtiment. Pour subvenir à ses besoins, dès sa majorité, il enchaine des petits boulots. Le premier, dans un cimetière. « Je creusais et poussais une brouette. C'est une expérience qui m'a permis de voir que l'homme n'est pas grand chose, comme du caca » . Chaque année, il se rend au carnaval antillais à Londres. « J'aimais beaucoup l'Angleterre, j'y est découvert le côté anglosaxon du rasta avec une musique puissante, liée au mouvement. » En 1990, dans les eaux de la Manche, son coeur chavire.

« Je l'ai trouvé cool, gentil et je me suis dit que c'était quelqu'un de spécial qui ferait de bonnes choses » , se souvient Véronique en pensant à leur rencontre.

Elle est Blanche, athée, ne connait pas grand chose de la culture rasta mais avec lui, elle souhaite tout découvrir. Ils décident de s'installer définitivement en Martinique. Sur place, elle abandonne son métier de professeur de sport pour se consacrer à la couture. Elle confectionne des vêtements et son époux fait office de modèle. Le couple sillonne les foires et autres marchés ambulants. Assez vite, il se fait un nom.

 

« Vivre dans la nature, c'est une utopie »

 

Il y a cinq ans, Véronique et Trinité déposent la marque « Tchek sa » et ouvre un petit magasin au 53 de la rue Perrinon. « Tchek sa parce que c'est ce que les rastas font entre eux. Et ça évoque aussi le symbole du poing libérateur, celui levé par les black panters. »

Entre temps, le couple s'est marié en 1998 et a eu trois enfants : une fille de treize ans et deux garçons de dix et sept ans. Pour l'ainée, Lalibella, pas de grande particularité à leur mode de vie. « On a des locks et on ne mange pas de viande, c'est tout. Et mon père, il veut juste que je connaisse le Notre père et que je parle créole. » Ses parents ont choisi de l'élever avec modernité. « Vivre dans la nature, c'est une utopie aujourd'hui. Moi, j'ai de l'ambition. J'aimerais que mon commerce me rapporte mais pour le moment, ce n'est pas le cas. J'aimerais voyager et permettre à mes enfants de réussir dans la vie. Mon objectif, ce n'est pas d'être là et d'attendre le Seigneur mais d'être actif en attendant qu'Il revienne. »

À 44 ans, Trinité adopte le rastafarisme à son époque. Son souhait : que tout le monde découvre que « le Rasta est une personne qui aime la planète et les gens et que ceux-ci prennent conscience que les hommes ne forment qu'un. » En attendant, sa femme et lui préparent activement le marché dont ils sont à l'origine depuis treize ans. Il se tiendra les 21 et 22 mai prochains sur la place Bertin à Saint-Pierre. L'occasion pour la communauté de se rassembler et exposer leur savoir faire.